Jimmy Durham, l'art du geste ?

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Le MAC de Marseille accueille une exposition de Jimmy Durham, un artiste américain contemportain, installé en Europe depuis quelques années.

Cette exposition d'art contemporain, comme bien d'autres, rejette l'individuation de l'oeuvre d'art, en ce que chacune des oeuvres identifiable s'inscrit dans une installation plus globale de l'exposition, installation qui est autant (sinon plus) porteuse de sens et d'esthétique que l'unité elle-même. Dans le cas de cette exposition, si les oeuvres individuelles sont intéressantes par elles-mêmes, souvent porteuse d'humour, d'ironie, mais aussi de regards plus profonds sur le monde, l'installation, dans la disposition des oeuvres, les rapprochements, les thématiques, les contrastes, dévoile une oeuvre beaucoup plus riche, porteuse d'une esthétique extrêmement personnelle à l'artiste, et qui ouvre de nombreuses approches, de nombreuses réflexions.

Il est difficile de résumer une exposition de ce genre : tout d'abord, parce que même sur place, il est difficile de l'aborder, et pour tout dire, l'intérêt qu'a suscité cette exposition pour moi est directement lié à la visite guidée qui me l'a présentée. Ensuite, décrire une oeuvre, c'est toujours la réduire, l'enfermer dans une lecture et une interprétation. Enfin, une recherche esthétique qui utilise le volume, la couleur, des aspects temporels et sonores ne saurait être décrite de manière réellement significative.

Toujours est-il qu'à travers des pierres et des tuyaux modifiant des objets de la vie courante (téléviseurs, réfrigérateurs, habits), l'artiste peu à peu met à jour une quête du mouvement, du geste comme âme de l'exposition : la lapidation d'un frigo innocent, la destruction d'écrans de téléviseurs, et plus généralement l'élan de pierres en tant qu'outils, personnages ou éléments du décors semblent dessiner une interrogation sur le geste et ses conséquences. Les oeuvres sont d'ailleurs montrées à la fois dans leurs résultats (le frigo lapidé) et dans leurs processus de création (la lapidation filmée).

Cette esthétique du geste me rappelle le roman de Kundera, l'immortalité, l'un de mes romans préférés de cet auteur, qui s'articule entièrement autour de la grâce d'un geste répété à travers les histoires individuelles, et qui transcende (dans sa grâce et ses conséquences) ces individus.

Parallèlement, cela soulève la question récurente par rapport à l'art contemporain, des difficultés d'approche, de lecture, de compréhension qu'il oppose parfois à ses "spectateurs". Une esthétique qui repose sur la plastique des objets (leurs couleurs, leurs mises en relation spatiales, leur éclairage, etc.) mais dont le coeur ne réside pas dans cette plastique est déroutante, difficile d'abord, et nécessite de la part du "spectateur" un effort d'assimilation, d'empathie beaucoup plus important. En somme, le refus des codifications établies supprime bon nombre de contraintes pour l'artiste, le libère en lui ouvrant de nouveaux horizons, mais se paie en terme de communication, d'ouverture sur l'autre.

Arg, ça me rappelle furieusement mon travail (contraintes, variabilité, interopérabilité)... Déformation professionnelle, sans doute.