La grand messe

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Lorsque le jour de la grand messe arrive, un frémissement parcours l'assemblée des (plus ou moins) fidèles ; bien sûr, à chaque fois, la question se pose : combien serons-nous ? Combien n'y croient plus depuis la dernière fois ?

Et puis, il y a les questions plus immédiates aussi : à quel saint se vouer ? Y-a-t'il vraiment un autre monde possible ? Malgré la défiance, la routine, ils restent tout de même nombreux à venir assister, furtivement, à la cérémonie, qui s'étale sur tout le jour.

En revanche, trop peu restent jusqu'à la fin, là où les mystères éleusiaques de la cérémonie se font les plus denses, les plus évidents, les plus rituels. Certes, tous ont entendu les incantations répétées "A voté !", "Veuillez émarger à côté de votre nom"...

Mais combien se sont délectés du rituel délicieusement désuet de la lampe à pétrole ("au cas où il y aurait une panne de courant", enseignent les initiés aux néophytes) ? Combien ont resenti la sacralisation de la petite enveloppe bleue ? Combien ont pu servir d'enfants de choeur de la République, à compter soigneusement les bulletins valides ? Combien connaissent le titillement de celui qui, fièrement, annonce un vote blanc ou nul ? Combien ont vu la scrupuleuse scrutation des acolytes du bureau de vote ?