Le baroud d'honneur de Titine
Le
Titine, c'est le surnom dont se retrouve affublé la fidèle petite Twingo verte, compagne des 400 coups de Bénédicte depuis près de dix ans, et des miens depuis un peu plus de trois.
Titine, donc - certes surnommer une voiture, c'est déjà un peu bizarre, mais la surnommer Titine, ça frise le ridicule - a fait montre d'un certain caractère lors de la dernière aventure à laquelle elle a été confronté. Dernière, tant dans la proximité temporelle que, peut-être, dans la carrière de baroudeuse de la dite auto...
L'aventure dont il est question était pourtant à la portée de celle qui, a plus d'une occasion, a pu faire preuve de sa vaillance contre vents et marées : plusieurs tours de France - du Chauffaud à Oloron Sainte-Marie, de Saint-Malo à Menton -, de franches incursions en Italie, en Suisse, suffisament de papillons pour en faire une volière, des routes auxquelles le nom de pistes conviendrait mieux, les chansons massacrées lors de karaokés improvisés, les bagages incarcérés dans le coffre, les meubles Ikéa d'un volume supérieur à l'habitacle, les ornières de la corniche seynoise, les chocs en tout genre de manoeuvres hasardeuses, les milliers d'insectes occis par son pare-brise, les sangliers, biches, renards qu'elle a éclairé de ses phares, les secrets qu'elle a entendu échanger, en somme, tout un brin de vie incarné dans un tas de tôles et de plastique que des designers ont décoré d'une bouille de jouet souriant.
Aventure qui mena ses principaux protagonistes - à savoir, Titine, Bénédicte et votre serviteur - à la Foux d'Allos, petite station des Alpes de Haute-Provence, lieu de glisse bien sûr, mais aussi de randonnées en raquettes, de vin chaud, de menu foie gras et de génépi (grâce en particulier à notre ferme auberge).
Les activités d'ordre sportif perdues dans la liste ci-dessus ne sont en général rendues possibles que par la présence de neige, présence qui, ce week-end, ne fut préservée que par celle d'un froid polaire, frisant sans concession les -25°C et les moustaches des chats de nos hôtes. Outre un attardement plus prononcé sur les activités non-sportives de la liste ci-dessus, ces conditions climatiques ont eu pour conséquence de déclencher une grève sans préavis de Titine, qui pour des raisons sans doute syndicales, refusa de demarrer au petit matin de notre première nuit passée sur place. L'incompétence totale de ses propriétaires en matière de mécanique automobile ayant abouti à un diagnostic erroné de problème de batterie, c'est le garagiste local, contacté par les bons soins de notre assureur (merci inter-mutuelle-assistance) qui, moyennant le changement de bougies encrassées, parvint à convaincre Titine de bien vouloir reprendre le boulot.
Du moins, jusqu'à ce que son réservoir d'essence s'assèche, au milieu de la route de retour vers son domicile varois, à trois kilomètres au nord de Montferrat sur la D955, détail certainement insignifiant pour le lecteur mais nettement plus utile pour le dépanneur local (merci inter-mutuelle-assistance) qui, n'ayant apparemment pas le droit de transporter un bidon d'essence pour assouvir la soif de Titine, dut remorquer la dite assoiffée jusqu'à la station service la plus proche, 30 km plus loin. Certes, le lecteur attentif - combien le sont encore après tant de mots ? - pourrait relever, là encore, une certaine incompétence des heureux possesseurs de l'engin sus-nommé, qui auraient pu remplir le réservoir avant que celui-ci ne soit vide. Mais cela ne serait pas faire honneur à la systématicité avec laquelle l'ensemble des stations services de la route Foux-d'Allos/Draguignan étaient fermées en ce beau dimanche hivernal.
Mais que cachent ces caprices de la mécanique automobile ou du sort ? Sans doute Titine a-t-elle réalisé que bientôt, elle ne serait plus la seule à partager les fabuleuses expéditions de ses bras-cassés de propriétaires ; peut-être a-t-elle senti qu'elle serait désormais complétée, sinon suppléée par une nouvelle voiture, toujours verte, toujours petite, mais de quelques années plus jeune, et d'origine nippone ; et en effet, ce jour-même, une Toyota Yaris (qui, Dieu soit loué, n'a pas encore été baptisée) est venue prendre la place bien abritée de Titine, qui devra désormais se contenter d'une place de parking en extérieur...
Titine, si jamais tu lis ce journal, sache que nous ne t'oublions pas !