Mesure pratique
Les exigences posées par la précision requise donnent au côté pratique de telles mesures une importance au moins aussi grande que celle de l’analyse théorique. Nous allons donc essayer d’éclairer le mode de fonctionnement du satellite.
1° Fonctionnement du satellite COBE
Les principaux objectifs désignés du satellite COBE (Cosmic Background Explorer) sont la recherche d’éventuelles anisotropies du rayonnement cosmique (donc dans la gamme des micro-ondes), la mesure de son spectre, la détection du rayonnement infrarouge cosmique, et l’étude des rayonnements astrophysiques locaux.
Pour cela, le satellite dispose de trois instruments principaux : un DMR (Differential Microwawe Radiometer) chargé de mesurer avec précision les fluctuations de température du rayonnement cosmologique, FIRAS (Far InfraRed Absolute Spectrometer) dont la mission est de déterminer la forme du spectre de ce rayonnement, et DIRBE (Diffuse InfraRed Background Experiment), chargé de la détection et de l’analyse spectrale des objets célestes primordiaux (étoiles ou galaxies nées quelques centaines de millions d’années après le Big Bang).
Un radiomètre différentiel (ce qui correspond au DMR) est un instrument qui mesure les intensités relatives du rayonnement pour une longueur d’onde. Sa précision vient de ce qu'il effectue des mesures différentielles et non absolues : les deux antennes réceptrices écartées de 60° sont alternativement reliées à un même récepteur, de sorte que les erreurs de mesure absolues sont éliminées lorsque le récepteur compare les deux signaux. Les erreurs systématiques sont encore réduites par la rotation du satellite qui fait s'échanger toutes les minutes les positions des deux antennes. En fait, le DMR est constitué de trois radiomètres différentiels effectuant des mesures sur trois longueurs d’ondes distinctes (3,7 mm, 5,7 mm, 9,6 mm, soit des fréquences de 81, 52 et 31 GHz) de manière à éliminer les composantes non cosmologiques de la mesure : le rayonnement dû aux poussières galactiques est caractérisé par un spectre connu, et que l’on peut donc soustraire aux mesures. De plus, pour accroître leur précision, les deux radiomètres des longueurs d’ondes les plus courtes sont refroidis à 140 K. Enfin, la répétition des mesures due à la rotation du satellite (voir plus loin) permet au bout d’un an d’obtenir la mesure de différences de l’ordre de 100 µK pour un champ angulaire de 7°, et de 10 µK pour des champs angulaires plus larges.
Le schéma d’analyse du signal reçu par le DMR
FIRAS est essentiellement constitué d’un spectrophotomètre : cet instrument compare à l’aide d’un interféromètre de Michelson le spectre du rayonnement cosmologique qu'il reçoit par l’intermédiaire d’un cornet à celui d’un corps noir de référence embarqué sur le satellite ; le rayonnement reçu est divisé en deux faisceaux (grâce à une lame semi-réfléchissante) que l’on fait interférer ; on déduit des figures d’interférences formées la nature du spectre du rayonnement par analyse de Fourier. La sensibilité de l’appareil découle là encore de son caractère différentiel, mais aussi de la précision de la source de calibrage dont le spectre diffère de moins de 0,01 % de celui d’un corps noir. Ainsi, l’appareil qui enregistre les longueurs d’onde comprises entre 100 µm et 1 cm dans 1000 zones de l’espace peut détecter des écarts de 1 pour 1000 par rapport au spectre du corps noir.
DIRBE est un photomètre à infrarouge qui mesure l’intensité des rayonnements pour des longueurs d’onde comprise entre 1 et 300 µm. Il doit détecter les éventuels rayonnements émis par les premières générations d’objets célestes (protogalaxies, galaxies, étoiles), tout en enregistrant les rayonnements des poussières interstellaires et interplanétaires, … La lumière est reçue par l’intermédiaire d’un télescope, puis débarrassée de ses parasites par un ensemble de miroirs, déflecteurs et obturateurs, et enfin filtrée suivant différentes longueurs d’ondes (1,1-1,4 ; 2,0-2,4 ; 3,0-4,0 ; 4,5-5,1 ; 8,0-15 ; 15-30 ; 40-80 ; 80-120 ; 120-200 ; 200-300 , le tout en µm) ; la polarisation de la lumière est même analysée pour les trois premières longueurs d’ondes, de manière à repérer la proportion de lumière solaire réfléchie par les poussières interplanétaires.
Deux images du satellite sont disponibles …
Par ailleurs, la sensibilité des divers instruments est encore améliorée par le mode de fonctionnement global du satellite. Celui-ci placé sur une orbite synchrone au Soleil à 900 km d’altitude, située à la limite du jour et de la nuit (orbite à peu près circumpolaire). A cette altitude, le satellite ne subit qu'une faible influence de la Terre (plus importante à des altitudes plus basses) et évite aussi les ceintures des altitudes supérieures susceptibles de perturber les mesures. En rotation sur lui-même (à la vitesse de un tour par minute), il est orienté de manière à balayer l’ensemble du ciel tout en restant protégé des rayonnements terrestres et solaires par son écran dépliant. Enfin, un cryostat d’hélium liquide refroidit le spectromètre et le photomètre à 1,6 K. Les informations recueillies sont transmises par antenne à la Terre avec des débits respectifs de 1716, 1632 et 250 bits par seconde pour le DIRBE, FIRAS et le DMR.
2° Résultats
Les premiers résultats fournis par le satellite confirmèrent dès 1990 la nature thermique du rayonnement cosmologique par la concordance mesurée entre le spectre de celui-ci et celui d’un corps noir. Ce résultat constituait l’une des conditions absolues de validité de la théorie proposée dans le cadre du modèle du Big Bang. Une confirmation aussi précise de celle-ci fut déjà un résultat important de la mission COBE.
Le FIRAS a permis d’obtenir une très bonne image de notre propre galaxie (profitant de sa plus grande transparence aux rayons infra-rouges).
Par ailleurs, les premières mesures du DMR permirent de calculer avec précision le vitesse de la Terre par rapport au rayonnement cosmologique (627 ± 22 km.s-1), et de donner une valeur précise de la température de celui-ci : 2,726 ± 0,010 K.
Le célèbre dipôle dû au mouvement de la Galaxie par rapport au rayonnement à 3K.
Mais c'est sans conteste la publication des résultats définitifs du DMR le 23 avril 1992 qui rencontra le plus grand enthousiasme dans la communauté scientifique. En effet, la publication de la carte dite des rides du temps fut accueillie comme un des événements majeurs de l’astrophysique. Attendues et guettées depuis vingt ans, pour la première fois, des anisotropies étaient détectées dans le rayonnement cosmologiques, révélant des fluctuations de température de l’ordre de 5*106, à la limite des conditions de validité des théories.
La célèbre carte des rides du temps : une photo de l’Univers il y 15 milliards d’années !
Mieux encore, cette ordre de grandeur, prévu par l’une des théories les plus en vogues, la théorie dite de l’inflation, fut un apport majeur en direction de cette théorie, confirmée par ailleurs par les solutions qu'elle apporte aux diverses zones d’ombres du Big Bang.
Pour en savoir un peu plus sur la place des observations de COBE dans la théorie de l’inflation…
On comprend alors comment Stephen Hawking, l’un des plus grands astrophysiciens vivants, a pu déclarer que cette découverte était la plus importante "du siècle, peut-être même de tous les temps".